vendredi 18 juillet 2008

AIMEZ CESAIRE LES ENJEUX D'UN REBELLE MORT EN EXIL


Avec la bénédiction d’Aimé Césaire, l’Ancêtre, j’ai quitté définitivement la Martinique, le pays natal, la terre de l’exil et je suis rentré à la tête de la Caravane du Retour le 16 Août 2003 sur mon continent ancestral en foulant le sol de Dakar, la terre légitime du peuple Lébou, victime de la colonisation et dont les terres volées sont devenues les premières communes du colonialisme français.

Aimé Césaire demeure un homme ambigüe, qui en 1946 est le député Noir qui est rapporteur de la loi qui fait des colonies françaises de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion des départements français à un moment où les compagnons de Césaire se réunissent à Bamako toujours en 1946 pour poser la question de l'indépendance des colonies françaises et européennes sur le continent ancestral.
Oui, bien que je ne sois pas dans la mouvance des chantres de la créolité que son Patrick Chamoiseau, Paphael Confiant ou Jean Bernabé, je dois reconnaitre qu'ils ont eu raison de souligner ouvertement dans un livre l'ambigüité d'Aimé Césaire qui sur cette question a montré de l’incohérence et la même lâcheté qu'il a reproché au peuple martiniquais au moment où il me bénissait moi et la Caravane du Retour que je dirigeais.

Malgré cette ambigüité il disait lui-même à ceux qui lui reprochaient cela de prendre revanche sur sa poésie, oui en effet la poésie d'Aimé Cesaire est bien plus courageuse que l'homme dans sa gestion politique.
Malgré tout cela et conscient de la profondeur de notre aliénation de victime de la névrose identitaire qui nous caractérise nous martiniquais tout particulièrement, je garde encore une certaine passion mesurée à parler de Césaire que j'ai appelé "l’étoile perpétuelle, le guide futé sur nos chemins rebelles" et cela en hommage à sa poésie qui est vraie et volcanique.

Après la mort du leader martiniquais survenue le 17 avril 2008, la France de Sarkozy a souhaité récupérer le corps de l’auteur du Cahier du retour au pays natal comme si ce dernier était un français à part entière et cela afin de le mettre au panthéon des grands hommes de cette puissance coloniale. Sans la vigilance de son peuple, le corps d’Aimé Césaire serait aujourd’hui placé aux côtés de l’antikamite Victor Hugo qui demanda aux européens en 1879 à l’occasion de la commémoration de l’esclavage, d’envahir « l’Afrique, cette masse ténébreuse, ce maudit Cham qui fait obstacle à Sem et à l’avancée de l’universel. Prenez l’Afrique disait-il dans son macabre discours, Vous ne la prenez à personne. Dieu vous donne l’Afrique, et faites de vos prolétaires des propriétaires terriens ».

Ce non catégorique du peuple de Césaire, est aussi pour rappeler que le drame de la Martinique c’est encore la persistance d’un véritable apartheid où une minorité de blancs békés descendants d’esclavagistes français et ne représentant que moins de 1% de la population, possèdent la quasi-totalité des terres cultivables et l’économie du pays.

Comprendre et rejoindre le combat de Césaire, c’est se souvenir que la Martinique est une terre amérindienne où la France a commis un génocide sur ce peuple autochtone et occupé leur terre depuis 1635 sous la direction du flibustier Pierre Desnambuc, agissant sous les ordres du sinistre Ministre et Cardinal de Richelieu. La CPI, la Cour Pénale Internationale, n’est pas créée seulement pour juger des sujets néo-colonisés, comme Charles Taylor du Libéria, Hissen Habré du Tchad ou Jean Pierre Bemba du Congo RDC, mais elle doit aussi servir à juger aussi bien George Bush, pour ces crimes en Irak entre autres, que certains dirigeants français et autres criminels européens dont la liste est immense.

Le cas des juifs victimes de crime contre l’humanité et bénéficiaires des réparations en 1948 après la condamnation par le tribunal de Nuremberg du régime nazi, sert de jurisprudence pour la Martinique et le reste de la communauté noire mondiale victime.
Comprendre la parole poétique de Césaire, c’est aussi poursuivre son œuvre en s’engageant politiquement afin de peser sur l’échiquier international par la création d’un Bloc BÂTU Diaspora au sein d’une Ligue Kamite Mondiale, quifédérerait les peuples et les royaumes du continent, les états indépendants de la Diaspora, les communautés noires du monde telles que les Kanaks du Pacifique, les Aborigènes d’Australie, les Papous de la Nouvelle-Guinée, les peuples noirs du monde arabe, ceux de l’océan indien, les dravidiens de l’Inde ou les communautés noires des Amériques et des Caraïbes.

Cette Ligue Kamite mondiale qui irait bien plus loin que l’incarnation de la démarche césairienne est indispensable pour que L’Union Africaine s’engage dans la défense des peuples africains de la Diaspora qualifiée par cette organisation et par le président sénégalais Abdoulaye Wade, de 6ème Région de l’Union Africaine. Le premier objectif à atteindre étant de reconnaître la validité du passeport de cette 6ème Région sans frontière qui permettra aux ressortissants de la Diaspora intra et extra continentale de s’installer partout sur le continent et de circuler librement à travers les frontières artificielles sur la base de leur passeport de la Communauté Diaspora du Continent Nubien.

La Ligue Kamite mondiale adoptera des positions claires en ce qui concerne les grandes questions juridiques, telle que la reconnaissance de la traite négrière comme un crime contre l’humanité et le soutien inconditionnel à la réparation en faveur des victimes de ce crime.
Convaincu que tout cela est légitime et tout à fait réalisable, j’ai pour ma part refusé la nationalité française ne m’identifiant plus comme un citoyen français ou européen. J’ai aussi à maintes reprises expliqué, que ma situation d’africain de la 6ème Région sans frontière, ne m’autorise pas à accepter le passeport d’un état quelconque du continent, crée dans le cadre des frontières artificielles imposées par les colonisateurs criminels suite à la conférence de Berlin de 1884-1885.

Dès le 8 avril 2004, j’ai adressé au président du Sénégal Monsieur Abdoulaye Wade, par l’entremise de son conseiller Amadou Diop Traoré, un dossier de la Caravane du Retour et un courrier personnalisé où j’ai expliqué tout cela au président, tout en lui demandant de me soutenir pour l’obtention de notre passeport africain.
Évoquer la mémoire d’Aimé Césaire, c’est se positionner pour organiser sur les bases de notre civilisation kamite, la communauté noire mondiale. Rappelons nous du code noir promulgué en 1685 et qui régissait l’esclavage pour le compte de la France et de l’église, et qui stipulait dans son article 44 que le noir est un meuble, ce qui signifie aussi qu’il n’avait pas d’âme, parce qu’il serait d’après la Bible descendant de Cham (Kam), le fils de Noé devenu noir pour avoir, selon la légende du judaïsme rabbinique, copulé dans l’arche avec le chien et le corbeau. Rappelons aussi la promulgation de la bulle du pape Nicolas 5 qui dès le 8 janvier 1454 donne autorisation au Portugal de déporter des esclaves kamites d’Afrique vers l’Europe.
Tous les papes étant déclarés infaillibles et cette bulle n’ayant jamais été condamnée, cela signifie que l’ordre de l’église reste toujours en vigueur.

Au 16ème siècle Las Casas, évêque espagnole aux Amériques prit la défense des populations autochtones amérindiennes pour les soustraire à l’esclavage des colons européens, au prétexte qu’ils sont des descendants de Sem et qu’ils possèdent par conséquent une âme contrairement à tous les noirs qui eux sont maudits et sans âme, car descendants de Cham (Kam) et appelés par conséquent à être éternellement les esclaves des blancs, c'est-à-dire de Sem et de Japhet et cela, en accomplissement de la pseudo prophétie de Noé en Genèse chapitre 9 versets 18 à 27.
Tout combat, pour notre émancipation, nous ramène nécessairement à la conscience césairienne, comme celui mené par Christiane Taubira qui fit adopter en 2001 en France, la loi reconnaissant la traite négrière transatlantique et l’esclavage, crime contre l’humanité.

Je souhaite que le Sénégal imite en cela la France et l’ONU, mais aille encore plus loin en adoptant une loi reconnaissant la traite négrière, l’antikamitisme et la colonisation, crime contre l’humanité.
En 1966, Aimé Césaire était au côté de Léopold Cedar Senghor pour promouvoir le premier Festival Mondiale des Art Nègres. L’esprit rebelle du poète africain martiniquais trouvera t-il vraiment sa place dans la troisième édition qui aura lieu à Dakar en 2009 à un moment aussi stratégique du destin de l’Afrique et de sa Diaspora ? Je le souhaite mais j’éprouve de sérieuses inquiétudes quand le ministère de la culture du Sénégal qui gère le 3ème Festival Mondial des Arts Nègres pour le compte de l’Union Africaine, est récemment devenu aussi, le ministère de la francophonie.

J’ai l’intime conviction que le sioniste Bernard Kouchner sera de la partie et va biaiser nos aspirations, puisque c’est lui qui, en charge des affaires étrangères françaises, chapeaute la coopération et la francophonie. Il y a donc lieu de s’inquiéter, lorsqu’on connaît le lien historique de dépendance néo-coloniale qui a longtemps lié le Sénégal à la France. Quel rapport entre la culture nègre et la langue française, si ce n’est l’histoire d’un long crime contre l’humanité et qui est loin d’être réparé, lorsque certains  dirigeants africains tel que le président Wade lui-même s’affichent contre la réparation, ce qui conforte la politique des dirigeants sionistes tels Sarkozy et Kouchner, puisqu’on sait qu’Israël, n’a pas ratifié tout comme les Etats-Unis, la Cour Pénal Internationale, et a manifesté sa désolidarisation des conclusions de la Conférence de Durban où l’ONU qui reconnaissait la traite négrière, crime contre l’humanité.

Le Festival Mondial des Arts Nègres de 2009, doit devenir une arme de liberté politique et d’expression, de cohésion et d’unité de toute la communauté kamite mondiale.
Ce grand festival doit préparer la communauté noire à l’unité pour marquer le mondial de football qui se tiendra en 2010 en Afrique du Sud, notamment dans la ville de Durban, là où la Diaspora et des africains libres d’esprit ont réussi à déjouer en 2001, le plan de ceux qui étaient contre la réparation, mais qui ont échoué lorsque l’ONU a malgré tout, reconnu en Afrique Sud, la traite négrière, crime contre l’humanité.

Marcher sur les sentiers rebelles d'Aimé Césaire, l’auteur du roi Christophe, c’est aujourd’hui, savoir se démarquer de la position française qui obligea les noirs de la république indépendante d’Haïti à payer le remboursement de cette libération pendant un siècle pour avoir aboli l’esclavage en 1804 après la lutte contre l’armée française de Napoléon qui fut vaincue grâce à la cérémonie animiste et vaudou du Bois Caïmans qui eu lieu le 14 août 1791.
L’ONU dans sa résolution du 2 novembre 2001, décréta 2004 année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage, « considérant que l’an 2004 marquera le 200ème anniversaire du premier Etat, Haïti qui a été créé après réussi le renversement d’un système esclavagiste. »

Cette même résolution de l’ONU, a proclamé le «23 août journée internationale de commémoration du souvenir de la traite négrière et de son abolition" en reconnaissance de l’acte fondateur de la révolution haïtienne, l’insurrection de Saint-Domingue (Haïti) du 23 août 1791. »
Le Sénégal pays qui accueille les pèlerins qui se tournent vers Goré pour pleurer leurs ancêtres victimes, a raté ce rendez-vous de l’histoire en 2004 pour des raisons qui méritent d’être élucidées.

Le choix de créer à cette même date du 23 août 2004, la journée des tirailleurs sénégalais sans l’associer à la journée internationale du souvenir de l’abolition de la traite négrière, a été vécu par la Diaspora comme un réel mépris de notre cause portée par Aimé Césaire et pour Christiane Taubira qui elle, n’a pas non plus reçu ce jour là à Goré le prix de la renaissance Africaine, qui lui était décerné et qu’elle devait recevoir des mains du président Wade lui-même, l'auteur de la forfaiture.

Les tirailleurs sénégalais méritaient un jour de souvenir certes, mais le choix de la date pose problème, car leur entrée dans la petite ville française de Toulon le 23 Août 1944 est bien moins symbolique que leur entrée dans la capitale française pour la libération de Paris le 25 Août de la même année. Nous avons donc vu dans le choix de ce jour une manœuvre pour occulter la puissance du symbole du bicentenaire de la libération d’Haïti. Dans tous les cas, Goré le 23 août 2004 n’a pas été la tribune internationale pour dénoncer le crime de la France qui sachant que le président haïtien Aristide préparait un procès pour crime contre l’humanité à son encontre, s’est dépêchée de l’enlever de force du pouvoir avec le concours de l’armée américaine en l’exilant en Afrique du Sud.

Césaire a réveillé les consciences, même s'il n'a pas su les maintenir suffisamment  éveillées pour pour les mener à la lucidité de la liberté concrète.
Veillons à ce qu’elles ne soient pas, de nouveau, plongées dans le sommeil à un moment où le pays ou plutôt la terre natale, la Martinique est toujours occupée par la France et où les esclavagistes békés accusent les africains et le Sénégal d’avoir vendu leurs frères comme me l’a écrit Roger de Jaham un de leur chef de file, dans une lettre ouverte qu’il m’adressa en 2006.
Seku Mâga

Aucun commentaire: